Scène II
Bienencourt, introduisant Follentin. — Entrez !
Tous. — Ah !
Follentin. — Mesdames !
L’Amphitryonne. — Quel est cet étranger ?
Bienencourt. — Salut à vous, éthéromanes, morphinomanes, intellectuels et raffinés, dernière expression de la jeunesse décadente d’aujourd’hui. C’est un convive que je vous amène qui demande place à l’orgie.
L’Amphitryonne. — Sois le bienvenu, qui que tu sois, noble étranger.
Tous. — Sois le bienvenu !
Follentin. — Ah ! vraiment ?
L’Amphitryonne. — Toi qui estimes comme nous qu’il faut arracher à la vie le secret de toutes ses jouissances, connaître toutes les sensations nouvelles, toi qui veux sacrifier avec nous au Dieu que nous adorons, à l’esprit du Mal, au Dieu du Vice, sois le bienvenu !
Tous. — Sois le bienvenu !
Follentin, à part. — Ah ! Caroline ! Caroline ! c’est toi qui l’auras voulu !
L’Amphitryonne. — Choisis, parmi ces belles, les chairs qui te tentent ! Pour toi les baisers fous, les étreintes passionnées, les caresses subtiles. C’est la fête des sens ! C’est l’orgie !
Follentin, enlaçant les femmes qui s’offrent à lui. — Ah ! si l’on me voyait au ministère !
L’Amphitryonne. — Tiens ! prends cette coupe, et vous, versez le breuvage qui donne l’extase !
Follentin, pendant qu’on lui verse. — Ohé ! Ohé ! à nous la grande noce !
Bienencourt, triomphant. — Allons ! Cette fois tu m’appartiens ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
L’Amphitryonne. — Bois !
Follentin, goûtant. — Oh ! nom d’un chien ! la sale drogue !
L’Amphitryonne.
Levons la coupe des ivresses,
Dans un même élan enflammé,
À nos amants, à nos maîtresses,
À ce que nous avons aimé !
Que l’encens fume
Et nous embrume !
Que les parfums,
Subtils et fins,
Nous engourdissent,
Et que les roses en même temps,
Sous leurs pétales odorants,
En pluie, ah ! nous ensevelissent !
À nos derniers moments !
Cette minute est sans seconde,
C’est notre dernier rendez-vous
Et puisque le monde, c’est vous,
Ah ! buvons à la fin du monde !
Levons la coupe des ivresses,
etc. etc. etc.