Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/77

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Marthe. — Oui !… Eh bien !… (Coup de sonnette.) Oh !…

Madame Follentin. — Quelqu’un !

Marthe. — C’est bon, je chercherai, je vous ferai savoir. Vite ! Filez !

Gabriel. — Je me sauve !

Il se dirige vers la porte du vestibule.

Madame Follentin. — Pas par là !

Marthe. — Vous pourriez vous cogner avec papa allant ouvrir !

Madame Follentin (ouvrant la porte du fond à droite). — Venez, par ici ! Attendez qu’on vienne vous chercher. (Gabriel sort. Follentin entre de gauche.) Oh !

Follentin (sortant de sa chambre en pantalon de soirée et en bretelles, en train de nouer sa cravate. Il a son gilet et son habit sous le bras). — Eh bien ! qui est-ce qui a sonné ?

Marthe. — On a sonné ?

Madame Follentin. — Nous n’avons pas entendu !

Follentin. — Oui, on a sonné ! (Nouveau coup de sonnette.). Tenez !

Madame Follentin (allant ouvrir). — J’y vais !

Follentin. — Vous n’avez donc d’oreilles que pour votre Gabriel.

Madame Follentin va ouvrir la porte d’entrée. Ebrahim paraît avec le collectionneur.

Madame Follentin. — Vous désirez, Monsieur ?

Ebrahim. — Che suis Monsieur Ebrahim, machand d’andiquidés !

Madame Follentin. — Ah ! parfaitement ! (À Follentin.) Adolphe, Monsieur Ebrahim, marchand d’antiquités, mon ami !

Follentin (se faisant aimable). — Entrez donc, Messieurs, entrez donc ! Excusez-moi de vous recevoir comme ça, je suis en train de m’habiller !

Ebrahim. — Che vous en prie ! Fous m’avez fait dire, Monsieur, que fous aviez une bendule à vendre !

Madame Follentin. — La pendule !

Marthe. — Comment, papa, tu veux laver la pendule ?

Follentin. — Chut ! Chut !… mes enfants, tout à l’heure. (Pendant ce qui suit, Madame Follentin et Marthe enlèvent le couvert tout en prêtant l’oreille. À Ebrahim.) En effet, Monsieur, il s’agit d’une pendule qui nous vient de famille !

Ebrahim (sceptique). — Les bendules qu’on fend fiennent toujours de famille.

Follentin. — Oh ! permettez, Monsieur. Pour celle-là, je vous la garantis, elle a appartenu à Barras lui-même, de qui je descends par ma mère, et Barras la tenait lui-même de son père, le père Barras !

Ebrahim. — Ah ! Ah ! Eh ! pien, foilà !… Monsieur qui est collectionneur, si la bendule lui blaît et si vous êtes et raisonnaple, je ne tis pas que nous ne ferons pas une betite affaire.

Follentin. — Voyez, Monsieur, examinez tout à votre aise. Voici la pendule de Barras. Approchez, Monsieur, approchez.

Ebrahim (lance un coup d’œil au collectionneur en faisant claquer sa langue. À mi-voix). — Recardez.

Le Collectionneur (avec un mouvement, d’admiration). — Oh ! qu’elle est belle !

Ebrahim (bas). — Chut ! Bas de chestes !