Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/13

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qui me permet de chanter tout ça moi-même…

Et comment ?

Grâce à un élixir… une mixture qu’il a trouvée… une eau qui vous rend la vie… une eau-de-vie… Quoi !

Ah ! voilà une marque qui enfoncera celle d’Hennessy ou de Martel !

Comme c’est simple :

Vous prenez les organes nobles d’un individu quelconque…

Il ne faudrait pas croire que, par "organes nobles", on entende des organes de marquis ou de ducs…

N’importe qui a des organes nobles… même dans l’intransigeance la plus avancée…

Ainsi M. Laguerre ou M. Rochefort ont des organes nobles… Quand je dis M. Rochefort, je choisis mal mon exemple :

Il est marquis !

Mais, enfin, il ne serait pas marquis qu’il en aurait tout de même !

Eh bien ! ce sont ces… substances, qui, soigneusement pilées dans de l’eau distillée, rendent de si grands services à la société… en vertu, sans doute, de ce dicton : "Noblesse oblige ! "

Seulement, voilà ! Le difficile était précisément de se procurer lesdites substances. On avait bien pensé à faire appel à la bonne volonté des âmes généreuses… à organiser pour ainsi dire, une collecte, où l’on n’accepterait que les dons en nature… Malheureusement Brown-Séquard avait compté sans l’égoïsme de la nature humaine.

On ne saurait croire combien peu de gens sont disposés à se laisser piler pour le progrès de la science et l’amour de l’humanité.

C’est alors que Brown-Séquard a songé à s’adresser à une autre classe d’individus avec lesquels on n’avait pas à entrer en discussion sur les droits de la propriété…

Aux lapins !

Le lapin est, en effet, un animal qui, sans en avoir l’air, se rapproche beaucoup de l’homme, et la preuve, c’est que sans cesse vous entendez dire, pour désigner un de ces braves à toute épreuve, un de ces gaillards qui payent comptant, à l’heure dite : "C’est un lapin ! "

Quelques dames emploient aussi ce terme-là ; mais alors ce n’est plus du tout pour désigner un gaillard qui paye comptant.