Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/184

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Mais soudain, un cri, un cri strident, horrible, désespéré retentit au milieu de la masse. La foule curieuse se précipite ; un grand rassemblement se forme. Et au centre, un omnibus arrêté domine la cohue. Le monde accourt sans cesse, et l’on crie, ou se bouscule.

Qu’est-ce ? Badaud comme un Parisien, je me glisse tant bien que mal au milieu de l’attroupement ! Je m’informe. L’on m’apprend qu’une jeune femme vient d’être écrasée par l’immense véhicule. Saisi d’horreur, mais obéissant à cette curiosité instinctive qui vous attire vers ce que vous ne voudriez pas voir, je regarde. Horreur ! Cette femme, étendue sans connaissance, les chairs ensanglantées, c’est la petite blanchisseuse. Un homme, en douleur, la tête plongée contre le sein de la jeune femme, pousse des cris qui vous déchirent le cœur. Soudain il relève la tête : « Oh ma femme ! ma femme ! » s’écrie-t-il éperdu ! Et la foule atterrée, aperçoit, spectacle plus sinistre encore, une face grotesque, dont les yeux étaient louches, dont la bouche riait niaisement jusqu’aux oreilles, et dont la trogne articulée serpentait ridiculement dans l’air.