Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/35

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pouces de fer dans le côté.

Madame de Sorges. — Oh !

Robert. — Oh ! le fait est que monsieur René l’a embroché. Oh ! mais là, avec art…

René, gaiement. — C’est alors qu’instinctivement, il a tendu le bras, et que je me suis enfilé moi-même comme un novice (voyant un mouvement de madame de Sorges, souriant.) Oh ! mais n’ayez pas peur ! je m’en suis tout de suite aperçu… On s’aperçoit bien vite de ces erreurs là… et j’ai rebroussé chemin. C’est égal, il était temps, car si la blessure eût été plus profonde, l’endroit était dangereux. Un moment, l’on redoutait quelque lésion interne, mais l’examen a prouvé qu’il n’y avait rien à craindre : ainsi l’a déclaré le docteur, que je laissai beaucoup moins rassuré sur l’état de son autre blessé. Bref, nous en sommes quittes chacun à plus ou moins bon compte… et le combat finit faute de combattants !

Madame de Sorges. — René, tu parles trop, ce n’est pas prudent ! Tu vas te fatiguer !

Germaine, entrant avec l’oreiller. — Voilà l’oreiller ! Levez votre tête !

René. — Alors, toutes vos volontés ! Quelle charmante petite enfant gâtée vous êtes !

Germaine. — Il faut bien que je vous soigne et que j’adoucisse le mal dont je suis cause.

René. — Dont vous êtes cause ?… (Robert remonte dans le fond et va sur la terrasse sans cesser d’être visible au public.)

Madame de Sorges. — C’est vrai, ma pauvre enfant, j’ai été injuste envers toi, je t’en demande pardon.

Germaine. — Pardon ! oh ! oh ! maman !

Madame de Sorges. — Oui, pardon… Je t’ai fait pleurer, tu m’as trouvée dure envers toi. Je t’ai accusée, maltraitée, brutalement repoussée. Eh bien ! oui ! je t’en demande pardon. J’étais folle, vois-tu, mon amour pour René, l’idée qu’il était en danger me faisait perdre la tête… et lorsque tu accomplissais un acte d’héroïsme, moi qui ne suis qu’une mère, je t’accusais de lâcheté… Je me disais que tu n’aimais pas René… et que tu n’avais pas essayé de le retenir.

René. — Elle ma mère… mais c’est le plus noble cœur que je connaisse… Vous l’avez accusée, elle, pauvre chère petite : Ah ! vous ne saviez pas à quel avocat