Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/66

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Roger Madame, je viens ici pour… vous parler sérieusement.

Cora Oh !… Eh bien, vous me direz cela… tout en tirant.

Roger Pardon, mais si j’ai endossé cet habit noir, ce n’est pas pour…

Cora. riant

Tiens, c’est vrai, vous êtes en habit noir… vraiment, vous êtes drôle, monsieur de Lérigny (Elle lui donne un pistolet.)

Roger. prenant le pistolet

Vous souvenez-vous, Cora, de ce que vous m’avez dit l’autre jour ?…

Cora Non… mais ça m’est égal… tirez ! (Roger pousse un soupir et tire sans regarder le but) Manqué… ce n’est pas étonnant, vous ne visez pas… allons, à mon tour !

Roger Je vous en prie, Cora, écoutez-moi sérieusement !

Cora Mais il me semble…

Roger Non, pas comme cela… entrons dans ce salon. (Ils entrent) Asseyez-vous là, sur ce divan, et accordez-moi votre attention ! Cora Oh ! Que vous êtes ennuyeux, monsieur de Lérigny. Voyons, que voulez-vous ?…

Roger Vous souvenez-vous, Cora, du jour où nous avons fait connaissance, chez la Comtesse de Pradel, à son dernier bal ? Vous étiez là, noyée dans des flots de dentelle, votre figure charmante émergeant au milieu de tout cela, comme un doux rayon de soleil. Oh ! Cora, que vous étiez belle ainsi ! je ne pouvais détacher mes yeux de votre image charmante ; je ne voyais que vous. Enfin je vous fus présenté et ce soir-là… nous dansâmes plus d’une fois ensemble.

Cora Eh bien ?

Roger Eh bien, vous savez le reste… J’obtins de vous rendre visite, et j’abusai de la permission… Depuis, j’ai passé bien des journées, bien des soirées, même, en tête-à-tête avec vous, et chaque fois que je vous quittais, je vous adorais davantage, et votre charmant souvenir me poursuivait la nuit, jusque dans mes rêves ; oui, tout me plaît en vous, tout, votre grâce, vos manières, et jusqu’à, ce caractère insouciant et capricieux qui vous fait ressembler…

Cora À un papillon ?

Roger J’allais le dire !