Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/67

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Cora Savez-vous, monsieur de Lérigny, que vous êtes très romanesque ; répétez-moi donc, je vous prie, la tirade que vous venez de me débiter ; je la placerai, si vous le permettez, dans le roman que je suis en train d’écrire ; elle y fera merveille.

Roger Hein !

Cora. elle prend un carnet

Allez ! Cher ! je prends des notes…

Roger Quoi, vous voulez ?… (à part) Non ! ma parole, je n’en reviens pas. Comment ! je fais une demande en mariage et l’on me fait tirer au pistolet, et l’on me force à dicter une scène d’amour !

Cora Je vous attends, monsieur de Lérigny !

Roger Non madame, ce que je vous dis là est sérieux je vous prie de m’écouter sans rire et de me permettre d’achever.

Cora. soupire

Allons…

Roger L’autre jour, madame, vous m’avez fait comprendre que mes visites devenaient trop fréquentes et pouvaient vous compromettre ; que nos relations ne devaient pas durer plus longtemps dans des conditions pareilles et que si je voulais rester près de vous, il allait que ce fût en qualité d’époux.

Cora Oui, je sais, eh bien ?…

Roger Eh bien, vous devez me comprendre !

Cora Quoi !

Roger Comment, vous ne saisissez pas… voyons… cet habit noir… ces gants blancs… il me semble que c’est clair,

Cora Quoi, ce serait pour demander ma main ?

Roger Dame ! À moins que ce ne soit pour tirer au pistolet ?

Cora Parlez-vous sérieusement, Monsieur de Lérigny ?

Roger Avouez, Madame, qu’ici la plaisanterie serait de mauvaise grâce !

Cora. après une pause

Ainsi, c’est sans rougir que vous me verrez partager votre nom, que vous m’appellerez votre femme, mais êtes-vous sûr que vous ne vous repentirez pas un jour de m’avoir épousée, moi, un être volage, insouciant, capricieux, un papillon comme vous dites… avez-vous bien réfléchi à tout cela ?

Roger. d’un ton de reproche

Cora !