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ÉPREUVES MATERNELLES

sang-froid, elle s’approcha vivement de sa maîtresse, et lui demanda tout bas si le café devait être préparé au salon.

Elle savait que cette question avait été résolue avant le déjeuner, mais elle feignit l’oubli.

Mme Rougeard lui donna la réponse en se reculant instinctivement, comme si elle craignait un geste insolite de cette servante, qui montrait depuis l’heure écoulée, tant d’agitation et si peu de mémoire.

Denise restait penchée sur l’épaule de sa maîtresse sans s’occuper de ce qu’elle lui ordonnait parce que Mme Pamadol disait :

— Dans la lettre que j’ai reçue de mon mari, ce matin, il me raconte que la petite Domanet, qui s’appelle Rita, lui a demandé quand il est arrivé :

— Et ma maman, tu la ramènes, dis ?

Ce à quoi le grand frère de cinq ans a répliqué :

— Mais non, voyons, papa a dit que ce serait pour nos étrennes.

On perçut un « Ah ! » comme un soupir prolongé qui fit lever la tête aux trois convives.

Mais personne n’entrevit le visage de la servante qui disparaissait.

Mme Rougeard murmura :

— Je ne sais comment juger Marie, elle m’inquiète depuis quelques moments. Ses traits ont revêtu tour à tour, les expressions les plus diverses. Je ne sais plus que penser d’elle.

— Elle aurait le cerveau dérangé que je n’en serais pas surprise, ajouta Mme Pamadol.

— Je n’osais pas le dire, avoua son amie, ou plutôt, je craignais d’évoquer cette terrible perspective, cela me désolerait fort.

— Dans tous les cas, elle entretient notre curiosité c’est notre sujet de conversation le plus fécond en versions saugrenues, continua le magistrat, cela anime notre retraite qui serait peut-être légèrement monotone quand vous n’êtes pas des nôtres, chère Madame.

— Vous êtes tout à fait aimable, cher ami.

— Je trouve, pour ma part, dit à son tour, Mme Rougeard, que cette animation devient exagérée, depuis le déjeuner, cette mystérieuse personne m’a beaucoup préoccupée.

— Je ne pense pas que ce soit moi qui l’ai trou-