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ÉPREUVES MATERNELLES

— Soyez heureux que nos enfants me retiennent près de vous, sans quoi je ne resterais pas une minute de plus sous votre toit.

— Et où iriez-vous ?

— Je préférerais travailler comme une mercenaire plutôt que de subir votre luxe en même temps que vos insultes.

— Vous intervertissez les rôles ! N’oubliez pas que c’est moi l’offensé. Je vous avais formellement interdit cette visite et vous l’avez faite cependant… vous êtes coupable et vous subirez le sort qui me plaira. Vous récidivez dans vos actes d’indépendance avec une déplorable facilité. Vous vous flattez sans doute que je n’exercerai jamais une sévérité bien grande envers vous ! Vous pourriez vous abuser… Vous multipliez vos sourires et vos grâces dans la crainte de perdre le luxe auquel vous êtes accoutumée.

— Comme vous vous méprenez, Paul !

— Vous ne négligerez aucune platitude pour conserver votre place ici, je le vois. Vous invoquerez aussi vos enfants, c’est un argument puissant, mais ils se passeront fort bien de vous.

— Ciel !… que projetez-vous ? s’écria Denise, prise subitement d’épouvante.

— Ne m’avez-vous pas menacé de partir tout à l’heure ? je vous préviens que je garderai mes enfants… une femme qui ment à son mari peut-elle former des âmes d’enfants ?

— Si je partais, j’emmènerais mes chers petits ! cria Denise dans une fougue maternelle.

— Ils sont à moi, d’abord, riposta Domanet, parce que seul, je puis subvenir à leur entretien ; si vous les aimez, vous ne voudriez pas les condamner à une vie de misère ! Ne vous figurez pas que ce soit si facile de gagner sa vie. J’ai la bonté de ne pas vouloir vous y exposer. Mais comme votre conduite mérite une sanction, vous saurez un peu plus tard, comment vous serez punie de m’avoir désobéi avec autant de cynique effronterie.

Denise entendait ces paroles sans se rendre compte de ce qu’elles valaient. Elle n’en percevait pas le sens, tourmentée par l’idée de la dénonciation commise à son égard. Son mari payait-il donc un agent, ô honte, pour la suivre quand elle sortait ?