Page:Fiel - Armelle devant son vainqueur, paru dans l'Ouest-Éclair du 3 septembre au 10 octobre 1937.djvu/126

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heureuses… le bonheur est une exception…

— On ne se marie pas pour être heureuse, trancha Cécile, on se marie pour avoir une situation sociale ; une maison à soi, un commandement : il faut se faire sa place dans la vie, donner libre cours à sa personnalité…

Armelle, étonnée, s’instruisait. Elle n’avait jamais approfondi ces détails. Elle n’entrevoyait dans le mariage que la tendresse unissant deux êtres.

Elle dit :

— Vous parliez aussi de mariages d’amour…

Elle rougit en articulant ce mot.

— Oui, cela arrive…

— Ce serait celui-là que je préférerais. avoua-t-elle courageusement…malheureusement, les hommes sont trompeurs et l’on n'est jamais sure de leur affection durable…

— Ah ! bien… vous êtes de l’espèce rêveuse tendre railla Cécile… Moi je me moque de ces fadaises, je suis riche, je voudrais un fiancé aussi riche que moi, et s’il est dans le genre d’Émile Gatolat je serais ravie parce qu’il réalise le type qui m’intéresse.

Comment le cœur neuf d‘Armelle put-il supporter ce choc ?

Elle n’avait aucune idée de ce que pouvait être la jalousie. Elle l’apprit.

Un malaise la saisit brutalement. Il lui semblait que son cœur se déchirait et qu’un acide violent coulait dans sa blessure.

Elle regarda Cécile avec terreur. La jolie jeune fille lui parut une sorcière avide, un démon qui semait le malheur.

Pourquoi le salon dans lequel elles étaient réunies devenait-il si sombre si hostile ? Sans doute parce que Cécile Roudaine venait de prononcer des paroles extraordinaires.