Page:Fiel - Armelle devant son vainqueur, paru dans l'Ouest-Éclair du 3 septembre au 10 octobre 1937.djvu/195

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selle, que je sois brimé à mon tour. C’est clair comme de l’eau de roche. Armelle n’était pas sincère… elle sait si peu mentir. Je suis certain qu’elle était bien contente de me voir partir pour pleurer. Tout cela s’arrangera… le bon marquis veille. Je réserve un tour à la chère tante. »

Et le bon Gontran s’en alla, presque joyeux, persuadé qu’Armelle ne maintiendrait pas sa rigueur.

Pendant ce temps, la jeune fille désespérée se précipitait dans la chambre de sa tante, comme on crie au secours et clamait :

— C’est fini je l’ai renvoyé !

— Ma chère enfant… je…

Mais Mlle de Saint-Armel s’arrêta, médusée, en apercevant le visage ravagé de sa nièce :

— Qu’y a-t-il, ma chère Armelle ?

— Je l’aime ! cria la victime.

— Seigneur ! qu’avez-vous fait ? gémit Mlle de Saint-Armel en se jetant, sur son prie-Dieu.

— Ma tante, sanglotait Armelle, je vous ai fait le sacrifice de mon bonheur… Une Saint-Armel tient sa promesse au détriment de sa vie même.

— Pourquoi t’es-tu imaginé de l’aimer ! murmura Mlle de Saint-Armel aînée.

— Est-on maître de son cœur ?… répondit la jeune fille entre ses larmes.

— Un homme de rien ! un ouvrier en peinture !

— Non, ma tante, un homme célèbre et qui le deviendra davantage encore.

— Un homme de peu, pas d’ancêtres, pas de famille.

— Vous ne lui avez rien demandé sur sa parenté, ma tante.

— Mais cela se voit ! cela se devine ! pas d’aïeux ! sans quoi il aurait parlé. Comment as-tu pu aimer ce néant !