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présentées de cette façon me paraissent osées… Je dirai même que je les trouve inconvenantes, si moderne et émancipée que je me croie.

— Quel scrupule ! C’est assez naturel de s’enquérir des dispositions d’un monsieur. Et puis, ne possédez-vous pas maintenant une grosse fortune et n’est-ce pas ce que cherche monsieur Chaplène ?

— Je le lui ai entendu dire.

— Et vous savez bien, ajouta mon amie, ironique, que même lorsque la femme est supérieure à l’homme, il s’estime cependant toujours son égal ?

Nous rîmes un peu et elle reprit :

— Je trouve que ce cher Gustave aurait beaucoup de bonheur. Vous êtes jolie, votre mari pourra être fier de vous. Et les représentants du sexe fort sont parfois si aveugles que votre Adonis risquerait de passer à côté de vous sans se douter de vos qualités si vous ne les lui faisiez remarquer.

— Vous avez raison ! m’exclamai-je, encouragée.

Mon courage renaissait. Je trouvais que Pauline raisonnait avec une justesse et une clairvoyance de juriste. Pourquoi demeurerais-je comme une humble violette dissimulée sous l’herbe, puisque le sort m’avait donné les moyens de remplir les clauses du traité ? Ce n’était pas le premier mariage qui se concluerait par intermédiaire ; bon nombre de jeunes filles avaient agi comme je voulais le faire et avaient ainsi gagné leur bonheur. Du moment que la bonne étoile m’avait souri, il fallait en profiter. Pauline, de cinq ans mon aînée, me considérait comme sa sœur cadette et souffrait en silence de ce que je n’eusse pas, comme elle, de fiancé. Toute à la joie de me voir « casée », elle continua à me bercer de raisons spécieuses mais qu’elle estimait excellentes, et je me laissai endormir dans un con-

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