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tentement béat, presque certaine de mon bon droit. Si bien que nous mîmes sur pied un plan audacieux qui se résumait à ceci : Pauline pressentirait son chef de service qui manœuvrerait près de M. Chaplène.

Je ne dormis pas beaucoup cette nuit-là. Je m’imaginais le jeune homme devant l’attaque et je le voyais sourire ironiquement. Cette évocation me déplaisait mais chacun sait que la nuit forge des drames que l’aurore chasse. Parfois, je me rassurais en songeant à mon million. Une balance peut pencher du côté souhaité avec un tel appoint sur son plateau. Je passai cependant du rose au noir une partie de mon insomnie.

Quand le matin revint, j’étais de nouveau une joyeuse millionnaire.

Le mois de mai resplendissait et le parc de la Tête d’Or ruisselait de verdure et de fleurs. J’aimais m’y promener de temps à autre et, ce dimanche, après une messe matinale, j’y fus poussée irrésistiblement.

Il me fallait calmer mes nerfs. Je n’étais pas encore habituée à ma nouvelle fortune. Je pensais sans cesse à des achats nouveaux et je me perdais presque dans leur nombre. En admirant les fleurs, je me promis d’en garnir chaque jour ma demeure. En contemplant les oiseaux, je me disais que rien n’est plus agréable qu’une volière toute bruissante de ces chanteurs ailés.

Puis ma pensée revint vers Gustave et je me demandai, une fois de plus, ce qu’il répondrait. Quel dommage qu’il ne pût me voir auparavant ! Je me savais jolie. Pauline, la veille encore, ne me l’avait-elle pas répété ? S’il avait pu m’entrevoir, ne fût-ce que cinq minutes, sa décision eût été sans doute

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