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— Vous en parlez à votre aise ! Vous n’êtes pas en cause, vous ! Toute la honte est pour moi.

— Reprenez votre sang-froid. Monsieur Chaplène ne connaît pas votre nom. Pour lui, vous êtes demeurée impersonnelle. Une jeune fille, parmi tant d’autres.

— Oui, mais cette jeune fille si imprécise soit elle, lui a fait des avances.

Pauline fronça les sourcils. Mes plaintes commençaient à l’énerver. Cependant, elle se contint :

— C’est moi qui les ai faites ces avances, petite entêtée. Je suis fiancée et j’ai bien le droit d’avoir une amie pour laquelle je désire un bonheur identique au mien.

Cette réponse adroite me rasséréna. J’envisageai les choses avec plus de netteté et d’impartialité.

— Pourquoi a-t-il refusé ? questionnai-je.

Mon amie hésita quelques secondes, ce qui suffit à ranimer mes ardeurs belliqueuses.

— Répondez ! criai-je en la secouant.

Pauline se dégagea, haussa les épaules et me regarda avec une commisération qui me fit rougir.

— Eh ! bien, d’après mon chef de service, Gustave Chaplène a jugé la proposition un peu audacieuse. Il a beaucoup ri, paraît-il.

Je m’effondrai sur mon divan.

— Oh ! c’est ce que je craignais par dessus tout. Je vous le disais que nous avions tort. Ah ! si j’avais su !

— Eh ! bien, oui, j’ai eu tort, je le confesse, avoua ma gentille amie, qui perdait patience. Pouvais-je prévoir que votre phénomène se révélerait aussi « ancien régime. » ? Quant à votre « si j’avais su », c’est l’une des expressions les plus inutiles qui soient dans la langue populaire française. Puis-

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