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trou perdu. Je suis d’un naturel sociable ; j’aime bien regarder les gens vivre, surtout lorsqu’ils sont joyeux, détendus, contents de leur sort.

Au bureau, le visage des employés était souvent assombri par la mauvaise humeur du chef ou une besogne aussi imprévue qu’ennuyeuse. Tandis qu’à Aix, je me flattais de ne rencontrer que des sourires, en dehors de quelques rhumatisants sans sérénité que je me dispenserais de regarder.

Tout le long du trajet je conservai la petite angoisse qui me tenaillait depuis quelques jours. C’était une impression très désagréable et difficile à analyser. Je ne me sentais pas maîtresse de mon sang-froid, de mes nerfs. Bref, je n’étais pas dans mon assiette.

Les événements me dominaient et j’avais la sensation de manquer d’un point d’appui. J’avais trop imaginé que j’allais avoir un mari pour me protéger. En somme ce changement d’habitudes m’était plutôt pénible.

J’arrivai le soir, presqu’à la nuit, bien que les jours fussent déjà très longs. Une voiture me conduisit à mon hôtel. On me fit voir la chambre que j’avais retenue et une soubrette s’offrit pour m’aider à défaire mes bagages.

J’aurais préféré me débrouiller seule, comme toujours, mais je craignais de paraître ridicule en n’acceptant pas. Devenir riche tout d’un coup est assez embarrassant. J’avais perdu tout souvenir du train de maison de mes parents. Je m’étais flattée de savoir user de la richesse avec une maîtrise incomparable et je m’avérais assez maladroite et empruntée. Ce qui me tourmentait surtout, c’était la crainte de laisser deviner ma gêne. Je ne connaissais aucun des usages des hôtels et, à force de

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