Page:Fiel - Coups de foudre, 1947.pdf/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vouloir ne pas paraître novice, j’allais tomber, sans nul doute, dans une gaucherie attendrissante.

Cependant, avec ma femme de chambre, jeune campagnarde récemment arrivée de son village, je fus très vite à l’aise. Elle s’appelait Sidonie. Je remarquai son ébahissement devant les objets de ma trousse de toilette.

— Est-ce de l’argent, mademoiselle ?

— Naturellement ! fis-je en souriant, comme si j’eusse été accoutumée toute ma vie à l’usage des brosses à manche d’argent.

Sidonie me plaisait. Elle perdit vite le « convenu » du langage hôtelier, redevint naturelle et charmante. On eût dit qu’elle avait deviné ma solitude morale.

Nous déballâmes et rangeâmes d’un commun accord et je lui donnai un col de mousseline brodé, ce qui parut la ravir. Sa reconnaissance et sa sympathie débordèrent. Elle me raconta qu’elle « était venue de son village pour « gagner beaucoup d’argent et pouvoir aller au cinéma ».

— Ah ! c’est moi qui y serais restée à votre place ! m’écriai-je. Vous n’aimez donc pas la campagne, la terre, la culture ?

— Oh ! que si… mais il faut bien des sous quand on veut cultiver. Ici, j’ai de bons gages ; le garçon de l’ascenseur est mon promis. On s’entend très bien et il est économe. On se mariera et on aura un petit bien. Mes parents ont des champs et une petite maison. Lui, il n’a rien, mais ses bras sont solides et la terre lui plaît. Un peu de patience et nous serons chez nous. Tous nos pourboires vont à la Caisse d’Épargne et chacun a son carnet. Tous les mois nous faisons nos comptes… le magot grossit !

— 35 —