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René dut deviner mon émoi. À l’instant où nous quittions le dôme des arbres, il chuchota en se penchant légèrement vers moi :

— Fasse le Ciel que ce soit vous, cette jeune fille idéale !

Je ne répondis pas, mais la clarté vers laquelle nous allions était suffisante pour qu’il pût lire dans mes yeux que j’étais en effet cette jeune fille-là.

C’était un aveu muet, un consentement sans paroles, de part et d’autre. Car, au moment où nous arrivions dans la pleine lumière de la terrasse, je remarquai sur le visage de mon compagnon un épanouissement extraordinaire.

Je m’échappai vite, un peu embarrassée, mais la révélation de cette joie était pour moi un vrai triomphe. Quant à ma pensée, elle vivait hors du temps. Je fus fort agitée dans la nuit qui suivit. Par instants, j’étais certaine d’avoir agi avec sagesse et, à d’autres, je me reprochais mon manque de discernement. Je me blâmais d’avoir été audacieuse, puis, faisant volte-face, je me traitais de timorée, de pusillanime. Pourquoi attendre, puisque je ne désirais qu’une chose : me marier ?

Mon cœur était-il satisfait ? Mon Dieu ? suffisamment pour un début. René Déflet me plaisait et, au fur et à mesure que les qualités de mon mari se dévoileraient, je m’y attacherais davantage.

Quand j’avais ainsi fait battre en retraite l’esprit de prudence, je reprenais mon beau rêve en songeant que mon étoile me protégerait toujours. N’avais-je pas, de toute évidence, gagné ce million pour aider au bonheur d’un brave jeune homme dont l’arrière-grand’mère était Norvégienne ? Il n’était pas d’un blond filasse, il n’avait pas les yeux

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