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relativement modeste. En regardant autour de vous avec un peu d’attention vous serez étonné du nombre qui doit s’offrir à vous de charmantes jeunes filles possédant deux cent mille francs.

Je faisais montre de beaucoup de courage en parlant ainsi, car j’avais l’air de repousser mon soupirant. Mais, d’autre part, ne gagnerais-je pas dans son esprit par le désintéressement que j’affichais ?

Fut-il désolé de constater que je n’avais pas compris sa tacite déclaration ? Il resta sans mot dire. Peut-être réfléchissait-il à mes paroles.

Malgré l’obscurité croissante, je vis ses yeux se poser, étincelants, sur moi. Je devinais que ces yeux exprimaient une muette interrogation, mais j’étais tellement oppressée par l’émotion qu’il me fut impossible d’articuler un mot. La rapidité des événements m’abasourdissait un peu. Il me semblait que je m’engageais bien vite pour toute mon existence.

La raison me prêchait la prudence ; le cœur murmurait : « C’est le destin. Il place sur ta route cet être aimable, visiblement né pour toi… Des fiançailles de six mois t’en apprendraient-elles davantage ? Non, car, durant cette période, chacun se contraint et voile ses défauts… Laisse donc la vie agir pour toi. »

Je me berçais ainsi de pensées rassurantes. René était comme moi solitaire et éprouvait le besoin de fonder un foyer. Nous avions tout ce qu’il fallait pour nous entendre.

La nuit était tombée peu à peu. Au-dessus de nous, des étoiles, pâles encore, apparaissaient. Les promeneurs se faisaient rares. Je revins sur terre et je murmurai :

— Il est maintenant temps de rentrer…

Le son un peu rauque de ma voix me surprit.

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