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L’accent était devenu amer, la parole sèche. Je feignis de ne pas m’en apercevoir et je restai souriante, aimable, comme une personne extasiée par son bonheur. Mais ce bonheur avait changé de nature. Je redevenais libre !

Enfin, l’hypocrite prit le parti de se lever :

— Je regrette d’être obligé de vous quitter. J’ai une petite course à faire à la banque. À tout à l’heure, au déjeuner. Vous aurez, je l’espère, décidé quelque chose pour notre promenade de cet après-midi.

— Entendu…

Il essayait de me leurrer sur ses intentions, mais je savais que cette excursion serait remplacée par la fuite.

Il esquissa un sourire pitoyable. S’être cru possesseur d’un million et le voir volatilisé, tout cela en l’espace de quelques minutes, était une chose par trop cruelle.

J’étais certaine que je ne le reverrais même pas au déjeuner. Le coup d’assommoir avait été bien porté… M. René Déflet irait chercher, plus loin, une autre oie à plumer.

J’aurais voulu prévenir cette sœur inconnue et sans défiance, et je souhaitai qu’elle fût née sous une étoile aussi favorable que la mienne.

J’étais assez satisfaite de moi. Je me trouvais pourtant de nouveau seule, en butte aux méprises, mais je me sentais délivrée d’un poids lourd. Depuis le matin, j’étais assez inquiète de la politique à suivre. Maintenant, tout était clair sur un chemin uni.

Au déjeuner, j’eus la confirmation de ce que j’avais auguré. Une enveloppe était posée près de mon couvert. Je la décachetai et je lus :

« Tous mes profonds regrets… Je suis rappelé à

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