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chanter. Je pensais à Pauline et j’aurais voulu lui écrire, mais je crus plus sage d’attendre les événements.

Mon ambition était folle : je voulais que Gustave Chaplène m’aimât pauvre. Je tenais à renverser toutes ses théories. Quelle revanche serait-ce ! Son apitoiement sur mon sort me donnait toutes les audaces et encourageait tous mes espoirs.

Je ne me montrai pas de tout l’après-midi.

Je remis çà et là quelques boutons, je réparai une déchirure, je terminai une écharpe commencée et les heures passèrent avec une rapidité qui me surprit. Ce fut à mes pensées riantes que j’attribuai ces minutes vécues si vertigineusement.

Il était certain que je rêvais, imaginant des événements aussi romanesques qu’inattendus. Je voyais Gustave tomber à mes genoux, contrit d’avoir chéri des principes dont je lui prouvais le ridicule suprême. J’avais le beau rôle et je devenais la jeune fille merveilleuse dont la parole faisait loi.

Ces divagations m’occupèrent jusqu’à l’heure du dîner.

Je choisis ce soir-là une toilette très sobre. Il fallait paraître simple, étant donné la situation sociale que j’avais invoquée. Je dis « paraître », car un œil exercé devait remarquer que ma robe était de bonne coupe et de bon tissu et qu’une telle simplicité devait être fort coûteuse.

J’eus le plaisir d’apercevoir tout de suite Gustave à sa table. Ses yeux étaient fixés sur la porte

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