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absolu, puis, enfin, mon compagnon murmura :

— Il est bien dommage que la vie ait parfois de telles exigences.

Je dressai l’oreille sans comprendre où mon Prince Charmant voulait en venir.

— De quelles exigences parlez-vous ? questionnai-je.

Il poursuivit, en cherchant ses mots :

— Pardonnez-moi de pénétrer ainsi dans votre intimité, mais je ne puis m’empêcher de penser qu’il est inhumain qu’une jeune fille soit obligée de travailler sans arrêt, du matin au soir, sans pouvoir jamais prendre un instant de distraction et de détente.

Cette phrase, assez alambiquée, me fit faire un retour en arrière.

Si je n’avais pas eu « ma chance », telle eût été en effet mon existence, en attendant un mariage aléatoire. Cependant, ma vie ne m’eût pas paru « inhumaine » parce que le travail est, après tout, la meilleure manière de passer ses jours. Je me serais trouvée heureuse, en dehors de quelques heures de mélancolie sans raison, mélancolie que les riches connaissent aussi bien que les pauvres.

Je répondis avec sérénité :

— Cette existence laborieuse comporte des compensations. D’abord celle de se sentir utile… Croyez-vous, en outre, que, lorsqu’on travaille, on n’a pas d’amis ? Bien au contraire et les distractions que l’on se procure, si modestes soient-elles, sont d’autant plus appréciées qu’elles sont plus rares.

J’étais sincère à cette minute. Je songeais aux charmantes soirées que nous avions passées

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