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l’ombre s’efface

baronne de Sesse. Les deux messieurs étaient égale­ment élégants et distingués. Leur allure était dégagée, et s’ils continuaient à converser après les minutes un peu confuses de la présentation, ils n’oubliaient pas de m’examiner à la dérobée.

Je me remis vite. J’avais mon sourire de danseuse, mon « sourire aux perles », comme disait mon ancien partenaire Jean-Marie.

Ai-je déjà dit que je n’étais pas timide ? J’avais salué M. de Gritte avec un respect filial et remercié les dames qui me félicitaient de prendre contact avec le monde, tout en disant qu’elles comprenaient par­faitement ma sauvagerie de jeune mariée.

Hervé ne me quittait pas des yeux. Je le trouvai plus beau encore que la veille. Il adoptait un air mélancolique qui lui seyait à ravir.

Mme Saint-Bart me fit asseoir près d’elle. Son accueil était parfaitement aimable. Notre entretien n’avait rien de passionnant. Cette dame parlait beaucoup, alors que son amie se contentait de me contempler. Son regard, rivé à mon visage, me gênait un peu. À l’encontre de la sœur de M. de Gritte, elle était de taille moyenne. Des bandeaux châtain clair et plats accentuaient son aspect sérieux. Par moments, une onde de tristesse voilait son visage à l’ovale pur.

Mme Saint-Bart avait des cheveux blancs et un air jeune. Elle était souriante et volubile et paraissait bonne et franche. Je me sentis tout de suite à l’aise avec elle, tandis que Mme de Sesse m’attirait tout en m’effrayant par le côté mystérieux de son attitude.

Pourquoi devine-t-on tout de suite un passé drama­tique dans certaines vies ?

Involontairement, mon regard se portait vers cette femme silencieuse dont les yeux étaient dardés sur ma personne. Je me détournais chaque fois que les miens en recevaient le choc mystérieux, mais alors je retombais sous la fascination du regard d’Hervé.

Sauf ce dernier, les messieurs discutaient entre eux. Je voyais mon cher mari prendre une part active à la conversation, et j’étais fière de lui. Hervé, lui, don­nait la réplique à sa tante, qui le taquinait gaîment.

Il répondait sur le même ton, et j’étais un peu sur­prise de le voir « détaché » de sa douleur. Il m’appa­-