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l’ombre s’efface

sourire en me dirigeant vers un salon bleu nattier qui me parut bien élégant.

Mme de Sesse ne me fit pas attendre. Elle me tendit les deux mains en me disant :

— Je suis contente de vous voir. Il me semble que je vous ai toujours connue. Asseyez-vous là, près de moi.

Je lui obéis, et sur ce divan où nous étions côte à côte elle me parla de mon mariage.

— Nous avons été un peu surpris, dans notre cercle, de savoir tout à coup que Jacques Rodilat était marié. Nous ne nous doutions de rien, d’autant moins que, depuis la mort de sa sœur, il avait rompu avec les de Gritte.

Je répliquai de façon un peu réticente :

— Mon mariage a été presque un mystère parce qu’il est survenu d’une manière étrange.

Mme de Sesse me regarda, non sans curiosité, mais elle n’osa pas me questionner.

Quant à moi, je me repentais déjà de mes paroles, en songeant que mon mari ne serait peut-être pas content que je divulgue les circonstances de notre union.

Cependant nous ne parlions plus ; Mme de Sesse m’observait. Je me sentais gênée par son regard et j’aurais voulu me cacher sur son épaule.

Tout d’un coup, je compris qu’elle soupçonnait un événement équivoque dans ma vie, et cette idée me parut cruelle. Je m’écriai :

— Oh ! madame, croyez que j’étais digne d’être épousée ! J’étais une jeune fille impeccable quand je me suis mariée avec Jacques.

— Je le crois, ma chère enfant. On ne peut se tromper sur votre loyauté. Tout de suite, je vous ai devinée sincère.

Ces mots entrèrent dans mon cœur comme un baume. J’avais soif de considération. Depuis que j’apprenais comment étaient jugés les artistes, je crai­gnais toujours d’être confondue avec les audacieuses qui bravaient l’honnêteté des mœurs.

Après ce moment d’émotion, je repris :

— Je n’ai pas eu de mère…

Je vis Mme de Sesse tressaillir et elle murmura :

— Je n’ai pas de fille…