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l’ombre s’efface

Ces paroles ne me frappèrent pas. Tant de foyers n’ont pas d’enfants…

Je murmurai presque inconsciemment :

— Puis-je vous confier l’histoire de ma vie ?

Elle passa son bras autour de ma taille, m’embrassa et me dit :

— Vous m’êtes extraordinairement sympathique.

Alors je posai ma tête sur son épaule et lui racontai les événements qui composaient mon existence, sauf que je n’étais pas la fille de la seconde femme des Nébol, mais que je croyais être née de la première.

Je fus souvent interrompue par des exclamations, et quand j’en arrivai à l’épisode Garribois, elle eut un geste d’effroi et son calme faillit l’abandonner. Mon saut par la fenêtre la fit frissonner et ma course dans le crépuscule, ma lassitude extrême avec mon angoisse, l’épouvantèrent.

— Pauvre enfant, pauvre petite, répétait-elle en me pressant plus fortement contre elle.

Je l’entretins de mes danses à Paris, des proposi­tions qui me furent faites pour un séjour à l’étranger.

— Comment, serait-ce vous, cette artiste incompa­rable qui a fait courir tout Paris ?

Une admiration sonnait dans sa voix et son bras ne m’enserrait plus, comme si elle se trouvait soudain trop familière à mon endroit.

Elle dardait sur moi des yeux brillants.

— Je suppose que c’est bien moi dont vous voulez parler. Jacques Rodilat tenait à savoir si je lui avais dit la vérité au sujet de ma danse.

— C’était risquer gros de sa part, s’il vous aimait !

— Il s’assurait ainsi de ma sincérité. Son amour aurait été vite guéri, si je l’eusse abusé.

— Quel courage vous avez eu !

— On appelle souvent courage une action à laquelle on est forcé. Je reprenais mon métier, simplement.

— Nous ne sommes pas allés vous voir danser, mais nous avons entendu parler de vous. Votre mari vous nommait Christine, mais je n’ai établi aucun rapprochement entre la danseuse réputée et vous. Ce prénom est très à la mode actuellement, et depuis une vingtaine d’années les Christine foisonnent.

Mme de Sesse pencha le front, comme accablée sou-