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de courir après une enjôleuse. Vous savez que le père Maruste a quitté sa ménagère et ses quatre enfants, pour manger la soupe chez la Courtaud qui en a déjà cinq avec un mari ivrogne.

— Oui… il y a de la débauche.

— C’est triste à reconnaître, mais ces fous-là, le grisou ne les prendra pas.

Sur ce regret, Mme Terlat disparut dans sa maisonnette et Mme Aumil l’imita, non sans avoir arraché une mauvaise herbe de-ci, de-là.

Elle regarda un coin d’horizon, avant de franchir sa porte. C’était un ciel bouché de mars. Le temps serait-il beau le lendemain ? À vrai dire, le soleil ne jetait jamais franchement son éclat, parce que la fumée, la poussière noire, formaient un voile qui tamisait les rayons.

Ceci pour les femmes. Quant aux hommes, le soleil ne les voyait que le dimanche, ou pendant le plein été, leur sortie de la mine ayant lieu avant le coucher de l’astre majestueux.

Louis Terla était descendu au fond du puits. Il se saisit de son pic et attaqua énergiquement la couche un peu inclinée qui était devant lui. La lampe éclaire juste la place où il frappe. Son geste est automatique alors que sa pensée déroule tout un roman dont Léone et lui sont les héros.

Ah ! il l’aime, sa Léone et, s’il pouvait lui ouater sa vie, qu’il en serait heureux ! Mais l’aime-t-elle ? Bien sûr, elle est toujours amicale, elle l’a toujours connu, mais cette camaraderie a-t-elle pris chez elle, un autre sens ? Il faudra bien qu’un jour, il s’en informe.

Que fait-elle en ce moment ? ah, oui, la lessive… Louis n’est pas effrayé de cette besogne. N’est-ce pas la vie des femmes que ce blanchissage éternel ?

Elles sont à l’air, au lavoir où elles bavardent tout en frappant le linge de leurs battoirs. Aucun homme ne songe à les plaindre, parce que leur travail à eux, est dur et se fait dans une nuit qui ne cesse pas.

Pendant que Louis poursuit son labeur et transpire dans la chaleur moite. Léone entre deux laveuses, entreprend sa corvée.

— Tu as beaucoup à faire, Léone, aujourd’hui !

— Oh ! ce n’est pas tout… mais j’aime mieux partager.

— Moi pas… allez ! tout à la fois et je suis tranquille.

— Chacun s’arrange à sa manière.