Page:Fiel - Le Sacrifice et l'Amour, paru dans l'Écho de Paris du 3 février au 7 mars 1934.djvu/95

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— Justement, un homme m’aimait !

— Dieu bon ! et pour t’en débarrasser tu as fait cela ?… Il t’a vue… Il est parti ?

— Oui…

Un effroi glaça Bertranne, mais elle se domina rapidement et s’écria :

— Tu es une nouvelle Brigitte de Suède !… Elle aussi s’est enlaidie pour que le regard des hommes ne vînt pas l’importuner… Tu es une folle, mais tu es admirable !

— J’ai bien hésité, j’ai failli manquer de courage.

— Je le conçois !… Et ta fortune donnée ?… Était-ce pour la même cause ? Tu croyais frapper le coup fatal, mais tu t’es sans doute fourvoyée parce que ce monsieur ne tenait pas à l’argent… Oh !… quand je pense que tant de femmes voudraient l’argent et la beauté pour conquérir celui qu’elles aiment ! Tu ne l’aimais donc pas, toi ?

— Tu me tortures.

— Tu l’aimais !

Les bras de Bertranne s’élevèrent dans un geste de désespoir.

— Aie pitié de moi, murmura son amie.

— Pitié !… Je t’ai posé cette question, mais elle était inutile. Du moment que tu poussais l’extravagance jusqu’à cette limite, c’est qu’il ne t’était pas indifférent. Une femme sans amour n’a pas de ces héroïsmes… Tu avais peur de faiblir. Eh ! bien, laisse-moi te dire que ces exagérations proviennent d’un foi orgueil… Oui, Christiane, tu as éloigné ce malheureux par orgueil.