Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/103

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— Moi, je serais allé tout droit à elle… sans réfléchir, murmura M. Manaut.

— A première vue, posa le P. Archime, on pourrait croire que notre cher Gérard a obéi au respect humain, mais en approfondissant sa conduite, on estime que sa sagesse a été merveilleuse… Il a été guidé certainement par le Seigneur… Quel cruel embarras c’eût été pour cette jeune fille…

— Je ne doutais pas de son cœur, reprit Gérard, mais j’ai voulu lui éviter la vision d’un homme si peu semblable à celui que je lui proposais comme fiancé… J’eusse été obligé de refuser son dévouement…

— Comme tu es grand, mon Gérard !…

— Dieu te revaudra cela, mon enfant, dit le P. Archime… Et Denise Laslay aura une compensation comme tu auras la tienne…

Puis, changeant de ton, le P. Archime ajouta :

— Je vais vous dire bonsoir… Je vous accompagnerai au train après-midi puisqu’il est convenu que vous partez… Tu es toujours décidé à partir, Gérard ?

— Plus que jamais… Je veux voir avec père si je puis me créer une bonne situation avant de renouveler ma demande près des Laslay…

— C’est sage… Allons, bonsoir…


Gérard dormit peu. Les événements, encore une fois, le désaxaient. Il essayait de comprimer sa joie, mais elle courait dans son sang, excitant ses nerfs.

Il se retournait sur sa couche et répétait :

— Voyons, est-ce vrai ?… Mon père peut aller et venir, et nous allons nous replacer dans le rang où nous avait situés la Providence ?… Mon cher papa aura de nouveau un peu de confort…

Il se réveilla cependant assez dispos parce que la satisfaction vainc la fatigue.

Il hésita en se demandant s’il irait à son travail comme d’habitude. Il pensa que ce serait mieux du moment qu’il n’avait pas prévenu. Il trouva son père réveillé, habillé, plein d’allant, tout joyeux des horizons nouveaux qui se dessinaient devant son esprit.

— Eh bien, mon petit, tu as bien dormi ?

— Un peu d’agitation… la joie en donne aussi…

— Tu t’y habitueras… Tu vas dire au revoir à ton patron ?

— Je travaillerai même ce matin…

— Ah ! bah !… et tes préparatifs ?

— J’aurai tout l’après-midi…

Il arriva quand tous ses camarades étaient au travail.