Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/104

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Plit lui dit :

— Tu es en retard, Manaut…

— Je m’en excuse… M. Bodrot est là ?

Au même instant, le patron poussait la porte.

— Vous me demandez, Gérard ?

— Patron, je regrette de vous dire que je vais quitter votre atelier…

Les ouvriers, étonnés, cessèrent de travailler et regardèrent celui qui parlait.

Bodrot pensa que l’incident de la veille avait froissé Gérard et il crut de son devoir de s’expliquer avec lui.

— Venez par ici, vous me raconterez pourquoi vous voulez partir…

Il ne laissa pas à son ouvrier le temps de placer un mot. Tout de suite, il dit :

— C’est à cause de Mme Alixin, n’est-ce pas ?… Vous avez eu peur d’être suspecté ?

— Je n’y songeais nullement… Mes raisons sont tout autres…

Brièvement, Gérard raconta les faits nouveaux, et il termina :

— Il me reste à vous remercier pour votre si bienveillant accueil… J’ai trouvé en vous un patron des plus agréables en même temps qu’un homme de cœur… Je crois avoir beaucoup gagné en votre compagnie… Je vous serais reconnaissant de bien vouloir présenter tous mes respects à Mlles Bodrot… Je vais reporter la serrure que je viens de terminer, et sans doute ne reviendrai-je plus à l’atelier.

Bouche bée, Bodrot écouta ce récit et sa conclusion. Il admirait l’aisance de Gérard et sa parole facile. Il était désolé de perdre cet ouvrier si habile dont plusieurs clients lui avaient fait compliment.

Mais le cœur de Bodrot était trop bien placé pour ne pas se réjouir de ce qui survenait aux Manaut. Il eut des paroles de regret et de félicitation, qui, si elles n’étaient pas tournées avec élégance, n’en étaient pas moins pleines de sincérité.

Gérard dit au revoir à ses camarades. Plit savait que le fils du banquier ne resterait pas longtemps parmi eux, mais il fut profondément atteint par ce départ. Il se plaisait beaucoup en la compagnie de cet ouvrier si simple et de bon conseil.

Il dit naïvement :

— Maman sera bien triste de ne plus vous voir… elle vous aime tant…

Gérard promit à Plit de ne pas l’oublier et d’assurer à sa mère qu’il ne manquerait pas d’aller lui présenter ses hommages, quand il reviendrait à Paris.

Puis Gérard rentra chez lui. Son père était en courses et ce détail rajeunit le jeune homme de quelques mois.