Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

irai faire auparavant mes adieux à votre famille… avec grand espoir de retour…

— Si vous voulez m’en croire, Gérard, vous ne reviendrez pas à la maison… Je préviendrai Denise. Je lui expliquerai ce qui vous survient… Je ne parlerai pas non plus d’un retour aléatoire. Vous ignorez ce que vous allez trouver devant vous, et il ne faut pas engager l’avenir… Nous vous rendrons tous les bijoux dont vous avez comblé ma fille…

Gérard sentit son cœur se briser. Une réaction venait. Il sentit soudain tout ce qu’il abandonnait : cette douce vie familiale, cette gaieté, cette solidarité touchante qui unissait étroitement entre eux les membres de la famille.

Il pensa subitement qu’il était hors de cette vie. Il devait aller retrouver son père dans le désarroi et organiser une existence autre que celle qu’il avait vécue jusqu’alors.

Il ne doutait pas que les affaires de banque ne reprissent leur cours, que tous deux triompheraient des difficultés et que leur situation se rétablirait au plus tôt.

Il protesta, non sans impétuosité :

— N’ajoutez pas à ma peine, Monsieur… Que Mlle Denise garde ces quelques souvenirs… Je lui laisse sa bague surtout. »

— Non… non…

— Je vous en prie !… Que je conserve l’espoir de pouvoir revenir un jour… Ce sera une lumière dans l’existence qui se prépare pour moi…

Gérard proférait ces mots un peu au hasard. Il restait convaincu que rien ne serait sombre dans les heures qui allaient suivre. Il connaissait son père comme un lutteur acharné dont l’intelligence merveilleuse avait su se jouer de grosses surprises. Le banquier était là, donc rien n’était perdu.

Cependant, M. Laslay tint bon et il répondit :

— Mon ami, ce que vous me demandez là est impossible… Je ne veux pas laisser Denise s’illusionner. Je veux moins que jamais que vous la revoyiez, car vous lui insuffleriez par pitié un espoir qui serait peut-être faux. Si vous le voulez, pourtant, je garderai par devers moi, sans en rien dire, la bague offerte. Elle sera tout à votre disposition, selon les sentiments que vous aurez plus tard…

Gérard commençait à trouver que les paroles du professeur étaient des plus sages. Il ne pouvait préjuger de l’avenir et il valait mieux laisser à Denise toute sa liberté.

Il dit donc d’une voix tremblante :

— Vous avez raison, Monsieur… Agissez ainsi que vous l’estimerez le mieux… Je m’en remets à votre jugement et je partirai demain… sans autre explication…