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CHAPITRE IV

Le cœur battant, Gérard sauta du train. Il était 2 heures de l’après-midi. Un moment, il avait espéré voir son père sur le quai, mais il eut une déception : personne ne l’attendait. Il pensa que sa lettre avait eu du retard, comme une nouvelle lettre explicative de son père. En conséquence, il se dirigea vers la banque, avenue de l’Opéra.

Rien n’était changé dans l’aspect de l’immeuble. Il s’en réjouit et entra dans les bureaux. Tout de suite sa joie tomba. Il manquait aujourd’hui cette animation joyeuse qui donnait tant d’entrain aux occupations quotidiennes. Les employés travaillaient d’un air morne, et parmi eux se trouvaient des visages étrangers.

Gérard fut reconnu et on l’entoura avec sympathie. Il était très aimé, parce qu’il était sans morgue, affable, et qu’il prenait Intérêt à chacun. Il serra des mains, souriant, ne pensant plus à la ruine, heureux de se retrouver au milieu de visages familiers.

Il ne demanda pas son père, pensant qu’il était dans son bureau. Comme par le passé, il y pénétra et fut surpris de ne pas l’y voir. Trois inconnus occupaient la pièce et s’entretenaient gravement. Toute la réalité heurta soudain Gérard. Il eut peur. Où était son père ?

Soudain il craignit qu’on ne l’eût arrêté. Il pâlit et une souffrance l’égratigna. Il rejeta vite l’atroce pensée comme déraisonnable. Son père devait être en course.

À peine s’il osait se renseigner. Il appréhendait il ne savait quoi de plus triste encore que cette impression qui s’accentuait de ne plus être chez soi dans cet entourage.

Il questionna le plus vieil employé en sortant de ce bureau où il n’avait rien osé demander.

— Où donc est mon père, Monsieur Boreul ?

— Ah ! vous ne savez donc pas, Monsieur ?

— Non, parlez vite… Je descends du train à l’instant.

M.  Manaut est malade… Il a eu un éblouissement, il y a quelques jours, alors qu’il causait avec ces messieurs… Il est tombé et il s’est cassé la jambe…

— Mon Dieu !… murmura Gérard en passant la main sur son front.

— Ne vous alarmez pas, Monsieur Gérard ; il va bien, mais ne peut remuer… Vous comprenez qu’il n’a pas appris une nou-