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m’empêchera de te dire ce que je pense de toi ! Tu n’es qu’une fourbe !

Colette sursauta.

— Et en quoi ?

— En me cachant ce que j’ai découvert.

— Et peut-on savoir ce que tu as découvert ?

— Oh ! ne me pousse pas à bout ! Tu es presque fiancée à ce M. Balliat, et c’est pour toi qu’il a proposé cette maison à ta famille… Et ta mère ne le connaissait même pas !

— Mon père, tu l’as vu, le connaissait…

— Où l’as-tu rencontré, cachottière ? Je savais bien que tu roulais un plan dans ta tête… Je ne m’y suis pas trompée ! Et moi, que deviendrai-je ? Tout le monde se disperse autour de moi et je suis condamnée à vivre en face de ma tante toute ma vie ! Ô misère, je ne le veux pas !

Marcelle eut un sanglot.

— Tu es folle à lier ! Je ne suis pas fiancée…

— Tu mens !

— J’ignore si ce Monsieur pense à une solution pareille.

— Mais si, c’est clair qu’il y pense, ne serait-ce que pour sa mère. Elle a besoin de distractions… de soins et, comme tu pourras remplacer avantageusement une femme de ménage, il ne manquera pas de t’épouser… il paraît pratique… calculateur…

— Oh ! Marcelle.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quand Mme Tiguel fut dans l’appartement, la porte refermée, sa joie éclata :

— Ah ! bien, ce qu’il m’a fallu me contenir devant Marcelle ! Si j’avais su, ce n’est pas moi qui l’aurais invitée ! Enfin, c’est fait, il n’y a pas à récriminer ! Colette, que penses-tu de la visite de M. Balliat ? Qu’il est bien, ce jeune homme ! Il te regardait ! Crois-tu qu’il veuille t’épouser ? Tu as dû deviner cela, toi, l’intéressée ?

— Je n’en sais rien du tout, maman.

— Que je serais heureuse si cela arrivait. Dans tous les cas, nous ne tarderons pas à aller voir sa mère.

— Il ne faudrait pas y apporter trop d’empressement de peur que…

— De peur de quoi ? Nous n’allons pas attendre six mois !… Il faut de la délicatesse, mais quand cela tourne à la sottise, autant n’en pas avoir…