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de ses besoins, l’entoura de prévenances, la plaignit, et lui insinua, non sans adresse, qu’une belle-fille lui serait d’un grand secours.

Mme Balliat, toute candeur, toute bonté, se prenait au charme de cette conversation, aux manières de cette jeune fille simple qui considérait le travail comme une vertu et le dévouement comme un apostolat.

Marcelle se grisait de ses paroles en voyant comme elle était écoutée. Une intuition l’avertissait qu’elle plaisait et une fierté l’incitait à vouloir plaire davantage.

Il était naturel que, dans l’entretien, le sujet de la promenade du dimanche précédent fut abordé.

— Vous êtes une amie de tout temps de ces dames ?

— Oui, Madame… nous avons fréquenté la même école, Colette et moi… et nous sommes dans le même atelier.

— Mon fils m’a dit que cette jeune fille était, ainsi que vous, d’ailleurs, jolie et douce, et je regrette de ne pas la connaître encore…

Bien que Mme Balliat eût fait les parts égales entre les deux jeunes filles pour leurs qualités, Marcelle crut qu’un fer rouge lui brûlait la poitrine en entendant citer Colette au même degré. Elle devina une préférence, suggérée par les éloges du fils.

Colette serait-elle donc toujours avant elle, chez leur patronne, comme dans l’esprit de Jacques Balliat en attendant qu’elle fût dans son cœur ?

Même cette mère qui ne la connaissait pas chantait ses louanges avec une hâte de la voir.

La cruauté d’un tigre envahit l’âme de Marcelle. Elle dit d’un accent doux :

— Colette est très gentille et je l’aime beaucoup… elle saura rendre heureuse l’homme qu’elle épousera…

— Vous le croyez vraiment ? interrompit Mme Balliat avec vivacité.

— Vraiment… Elle est d’ailleurs, sinon fiancée au moins tout près de l’être…

— Oh ! est-ce possible ?

Quel regret sonnait naïvement dans cette exclamation !

Marcelle lisait clairement dans ces mots que la mère et le fils s’étaient entretenus longuement à ce sujet.

La colère gronda dans l’âme de Marcelle en devinant que Colette connaissait ce jeune homme sans qu’elle le sût.

— Oui, Madame, répondit-elle avec le plus de calme qu’elle put, Colette va se fiancer avec un agriculteur, parce qu’elle aime la campagne à la folie. Elle se réjouit à la pensée de faire de