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Colette quitta son amie et entra chez la fleuriste, tandis que Marcelle montait, les deux étages de l’appartement. Elle était pensive…

— C’est toi, Marcelle ?

— Oui, tante…

— Le dîner est prêt… Viens vite !

Marcelle ne répondit pas. Elle considéra avec dédain le logis meublé mesquinement… Tout lui devenait lourd et pénible.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les pensées de Jacques Balliat se concentraient sur la nouvelle que sa mère lui avait apprise.

En vain, essayait-elle de lui apporter un palliatif. Jacques ne considérait que la réalité seule et nulle consolation n’adoucissait son chagrin.

— Je t’assure, mon enfant, que c’est offenser Dieu, que de s’attacher pareillement à une personne ! Tu aimais cette jeune fille, c’est entendu, mais sans doute, n’est-elle pas digne de toi…

— Je ne puis admettre cette fausseté !

— Ce n’est peut-être pas de la fausseté ! tu as mal interprété ses paroles, ses regards… Et puis, il se peut qu’elle se soit laissée fiancer sans que son cœur soit pris. Les jeunes filles de son milieu ont si peu l’occasion d’avoir un bon parti qu’elle a accepté ce fermier… Et puis, elle t’a vu, et tu lui as plu… Maintenant elle lutte contre son cœur… Son plus grand tort est de ne pas t’avoir avoué la situation…

— Maman, ne me berce pas de paroles qui voudraient être apaisantes, et qui ne font qu’augmenter ma peine… J’en veux à Colette Tiguel, et en même temps, je la regrette profondément… Mes heures deviennent un supplice…

Mme Balliat ne dit plus rien, et se contenta de murmurer :

— Mon pauvre petit.

Jacques Balliat était malheureux. Il lui semblait que le beau temps même insultait à son désespoir.

Son cœur avait besoin de se décharger, et il cherchait le moyen de voir Colette seule. Malheureusement Marcelle l’accompagnait souvent, bien que parfois, à midi, les jeunes filles s’en allassent chacune de leur côté. Il arrivait que la tante de Marcelle ne déjeunait pas chez elle, retenue par ses occupations chez une teinturière, dont elle partageait le repas. Dans ces cas là, Marcelle se rendait dans une crémerie.

Deux jours après le dimanche fatal, Jacques se dit : garder le silence est trop pénible… il faut que je m’arrange pour parler à Colette Tiguel…