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Pourtant, comme la veille, elle ne voulait pas encore accuser. Il n’y avait aujourd’hui, de place que pour la joie, et il fallait réfléchir et s’entendre avec Colette avant d’attaquer.

Malgré cette résolution, elle n’avait pu s’empêcher de prononcer sèchement ses derniers mots, et Marcelle sentit qu’une menace se précisait, sans être formulée.

Elle se retira donc, accablée, regrettant profondément son crime, et cherchant comment elle pourrait le racheter.

En rentrant chez elle, après avoir donné des nouvelles de Colette à sa tante, elle dit :

— J’ai une course urgente et ne puis la remettre… Je dînerai plus tard…

Une décision venait d’éclore dans son cœur. L’heure de la réparation sonnait. Donc, elle allait chez les Balliat pour se confesser. Elle avait menti, et elle dirait la vérité. Subitement, toutes les laideurs qui encombraient son âme disparaissaient. Une clarté l’inondait et son avenir venait de lui être révélé. Et par un privilège miraculeux, il ne se présentait pas à elle comme une expiation, mais comme une fin consentie avec ferveur. Elle conserverait son secret encore quelque temps pour savoir, si c’était bien là son destin.

Elle n’eut aucun battement de cœur quand J. Balliat lui ouvrit la porte. Elle le salua sans sourire et se dirigea vers la pièce où se tenait la malade.

— Madame, commença-t-elle, Colette Tiguel est très souffrante, et l’on a cru hier, qu’elle aurait une fièvre cérébrale. Elle a été prise d’un grand malaise au moment où elle revenait de son travail.

Jacques Balliat écoutait Marcelle avec des yeux hagards. Il était blême et ne pouvait parler. Il devinait que le niai venait de lui.

— C’est de ma faute, bégaya-t-il, j’ai été brutal je n’aurais pas dû lui reprocher ses fiançailles, elle a le droit d’épouser qui elle veut, et…

— Non, c’est moi la coupable, interrompit Marcelle, vous avez cru ce que j’ai dit à votre mère. Pardonnez-moi. J’ai été folle… Jalouse horriblement de Colette, à qui tout réussissait, me semblait-il, j’ai voulu détruire son bonheur. Je me suis plainte de mon sort, j’ai pris le rôle d’une jeune fille dévouée, qui ne vit que pour rendre service, et pour perdre Colette dans votre esprit, vous qui l’aimez, Monsieur, j’ai avancé qu’elle était fiancée avec ce fermier. Il n’en est rien…

— Seigneur ! et moi qui lui ai reproché sa fausseté ! cria J. Balliat, terrorisé… Alors, rien n’est vrai ?