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marane la passionnée

— Vous êtes exacte, Mademoiselle, me dit-elle, avec une amabilité qui tempérait une certaine hauteur adressée à la personne subalterne qu’elle me supposait être.

Je répliquai d’une façon terne :

— C’est la moindre des choses.

Elle reprit :

— Voulez-vous entrer, pendant que je compléterai ma toilette ?

— Très volontiers.

Et j’ajoutai pour mes chiens, en les menaçant de la cravache :

— Rasco ! Sidra ! Attention ! Vous allez m’attendre ici, sans mordre personne. C’est compris ?

Mes bonnes bêtes se couchèrent devant l’entrée et donnèrent l’impression de chiens de pierre.

Mme Descré me contemplait. Son front parut soucieux et elle murmura :

— Vous avez une voix de commandement.

Je me hâtai de reprendre plus d’humilité. Je suivis la maîtresse de maison. Elle me laissa dans un petit salon. L’arrangement en était délicieux. Je regardai les objets un à un, en attendant que Mme Descré revînt.

J’attachais, jusqu’alors, peu d’importance aux meubles, aux tentures, mais je trouvai, pour la première fois, qu’un joli mobilier aide à vivre.

Je supposais que ce cadre me plaisait tant parce que Mme Descré y habitait. J’admirais ce goût parfait et me disais que tout ce que je contemplais là était l’œuvre de ce beau jeune homme à l’expression désabusée.

J’étais en extase quand Mme Descré se montra :

— Me voici prête, me dit-elle ; mon fils nous attend dehors.

À l’idée de le voir, mon cœur s’arrêta de battre. J’avais les talons cloués au parquet et je ne pouvais plus avancer. J’étais sans voix, et, à travers mes lunettes jaunes, je regardais Mme Descré.

— Partons !

Je dus accomplir un effort violent pour me libérer de la torpeur qui m’avait envahie.