Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
marane la passionnée

à ma parente de Jilique, qui ne demandera sans doute pas mieux que de te recevoir.

Je dressai l’oreille.

— Tu te souviens qu’elle a trois filles, dont la cadette a deux ans de plus que toi.

Cette combinaison ne me déplaisait plus autant, cependant je dis :

— Si tu veux, maman, nous abandonnerons ce sujet pour aujourd’hui. Soyons à la réunion de ce soir et non à la séparation.

Maman eut l’espoir que ses paroles n’étaient pas tout à fait perdues. Je n’avais pas éclaté en phrases véhémentes, en manifestations frénétiques.

C’était tout simplement parce que je n’avais pas subi le premier choc.

Évariste arriva une heure après cette conversation.

— Bonjour ! bonjour ! criai-je, dès qu’il fut à la portée de la voix.

Il descendit posément de la voiture et répondit, rieur :

— Bonsoir serait plus motivé. Tu as grandi, sœurette. Oû est maman ?

Notre mère apparut sur le perron et, en deux enjambées, mon frère fut près d’elle.

Nous entrâmes tous les trois dans la maison. Je battis des mains en m’exclamant :

— Te voici pour un grand mois !

Évariste enlevait son pardessus. Il était grand et robuste, mais son visage manquait un peu d’énergie à mon avis. Il ressemblait à maman et il subissait assez les influences.

Il dit en me regardant :

— Marane devient une vraie jeune fille. Comme son aspect est assuré ! quel air de bravade répandu sur sa personne !

— En effet, je ne sais pas ce que c’est que la peur, répondis-je orgueilleusement.

— Je suis contente que tu sois là pour la morigéner, prononça maman. C’est un cheval échappé…

— … Qui galope dans le clair de lune, achevai-je gaîment.

— Eh ! mais, cela sent la sorcière, dit Évariste en imitant ma gaîté.