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marane la passionnée

— Bonjour, Jeannic !

— Ma Doué ! On n’attendait pas Mademoiselle.

— Non, puisque je me suis sauvée.

Je n’avais pas réfléchi avant de parler. Pour me rattraper, je dis :

— La ville n’est mon affaire.

— Vous êtes venue seule ?

— Je sais prendre un train et une voiture.

Sans m’arrêter davantage, j’allai jusqu’à la chambre de maman.

La porte en était entr’ouverte et j’aperçus ma mère sans qu’elle me vît. Son attitude me frappa. Elle paraissait accablée. Elle tressaillait au moindre bruit, se redressait, puis, elle retombait contre son dossier.

De crainte de l’effrayer en poussant la porte, j’appelai doucement.

— Maman !

Elle se retourna vers moi, comprit que c’était bien moi, et elle accourut pour me tendre les bras et m’embrasser.

— Ah ! ma chérie !

Ses traits reflétaient une joie intense.

Puis, soudain, elle me demanda :

— Mais comment se fait-il que tu sois ici ?

— Je me suis sauvée.

Tout de suite, le visage de maman reprit un aspect terrifié.

— Oh ! j’aurai tout à supporter ! Quel martyre ! s’écria-t-elle en cachant son visage dans ses mains.

— Quoi ? Qu’y a-t-il ? questionnai-je.

— Pourquoi as-tu commis cette imprudence ?

— Pourquoi ? Tu ne connais donc pas le monde ? Je suis terriblement malheureuse en ce moment !

Le plus posément que je pus, je racontai ma déception d’amitié.

— Je la jugeais si bonne, si profonde. Elle m’a trahie. Oh ! maman, comme cela fait mal !

C’était un cri de femme, une souffrance de femme, car cette amitié, première manifestation du cœur, ressemblait à de l’amour, sans que je m’en doutasse.

— Alors, je suis partie sans en rien dire. Comment aurais-