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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/69

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marane la passionnée

— Il ne m’est rien arrivé de grave, mais les garçons sont des êtres surprenants.

Je m’arrêtai. Les doigts de Jean-Marie me semblaient incrustés sur mon poignet. Je secouai ma main.

— Je hais Jean-Marie ! hurlai-je en prenant un vase sur une commode et en le jetant par terre.

— Au nom du ciel, parle !

— Il… m’a serré le poignet avec un tel regard que j’ai cru qu’il allait m’embrasser.

Je tombai à genoux devant maman, et j’enfouis ma tête contre son épaule.

— C’est tout ? questionna-t-elle dans un cri d’épouvante.

Je me remis debout et je jetai, avec une hauteur inimaginable :

— N’est-ce pas assez ?

Ma mère se renversa sur le dossier de son fauteuil et soupira fortement. Puis elle murmura :

— Ma chère petite fille !

Je vis combien elle m’aimait ; cependant, je trouvais son émotion en disproportion avec cette aventure. Maintenant que je l’avais confessée, je me traitais de sotte. Mais ma fierté se trouvait offensée et aussi un sentiment, né soudainement et qui m’avertissait que Jean-Marie avait enfreint certaines limites.

Un instinct nouveau surgissait en moi. Son regard m’avait paru tellement étrange ! J’attendais de mon compagnon de la déférence, du respect, du dévouement, mais non de ces démonstrations.

— Tu sais, dis-je à maman, je n’ai pas pu m’empêcher de gifler cet abominable garçon.

— Gifler ! répéta maman. Si tu m’avais écoutée, tu n’en serais pas arrivée là. Sans doute as-tu provoqué cette familiarité.

— Oh ! non ; j’étais simple comme toujours. J’ai été atterrée qu’il en use ainsi avec moi. Ma gifle a été retentissante et je me suis sauvée.

Maman souriait maintenant.

— Je déteste Jean-Marie ! Jamais plus je ne lui parlerai. Je suis déshonorée ! Moi, une demoiselle de Caye, presque embrassée par un domestique !