Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/17

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s’adressait à son fils aîné. Garderait-elle ce sourire ?

Vincent parlait, et, des deux frères, c’est lui que l’on aurait pris pour l’avocat. Pour la centième fois peut-être, il nous redisait son admiration pour les arènes.

Mes parents semblaient excédés par son bavardage. Comme tous deux sont Nîmois, ce panégyrique leur semblait sans doute superflu.

Personne, ce soir-là, n’eut la velléité de veiller, sauf moi, qui étais fort excitée par les événements, mais je fus bien forcée de regagner ma chambre. Il était à peine 21 heures.

Je pris un livre pour ne plus penser, et j’essayai de m’y intéresser, quand j’entendis la voix de mon père. Une autre voix lui répondait, et je reconnus celle de Léo.

Le diapason monta. Je ne distinguais aucune parole, mais j’étais figée par l’effroi. Et comme mes déductions sont rapides et souvent erronées, je conclus que mon père reprochait à son fils d’occuper la « société » avec son assiduité près de Berthe Durand.

Peu après, la porte de la rue se ferma. Papa rentra dans son cabinet, et je sus ainsi que Léo était sorti, et je pensai qu’il allait chez les Durand. J’eus un accès de fureur et j’appelai des châtiments terribles à ce moment-là. Tous mes sentiments chrétiens disparaissaient, et j’aurais voulu que Berthe Durand, l’innocente, fût précipitée du haut de notre pont du Gard.

Ma chambre, au premier étage, était séparée de celle de Vincent par deux cabinets de toilette. Il me sembla entendre mon frère et j’allai frapper à sa porte.

— Je ne te dérange pas ?