Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/31

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Elle eut de nouveau un rire clair et me dit avec ironie :

— Vous êtes prévoyante.

Alors je lui racontai le projet de Léo, comme preuve d’appui. Elle m’écouta avec un sérieux plein de gravité et, quand j’eus terminé ma confidence, elle murmura :

— On dit beaucoup de bien de cette jeune fille. Je ne lui ai jamais parlé, mais je l’ai vue plusieurs fois… Elle est bien jolie, et je ne suis pas surprise que votre frère se soit épris d’elle.

— Serait-elle vingt fois plus belle, m’écriai-je, que mes parents auraient le même chagrin en songeant à la mésalliance de leur fils…

— Oh ! mésalliance, releva Mlle Clarseil, il faudrait savoir quelle est la généalogie des Durand pour employer un si grand mot. Il y a des familles déchues par des causes dont elles ne sont pas responsables, et qui sont de meilleure déchues que bien des mirliflores…

Je me tus, frappé par ces paroles qui ne manquaient pas de logique. Cependant, je n’étais pas très convaincue, parce que je m’attachais davantage au présent, dont les faits étaient précis, qu’aux hypothèses plus ou moins romancées : Léo se fiançait à la fille d’un concierge…

Je rentrai à la maison, assez excitée. Cela m’arrivait fréquemment parce que je prenais les choses avec ardeur. Et quand il s’agissait d’événements marquants, ce défaut devenait de la frénésie.

Je n’eus pas le loisir de m’appesantir sur mes pensées. Le déjeuner fut annoncé, et nous fûmes bientôt réunis tous les cinq à table.