L’indolence qui recouvrait Aubrine comme une carapace imperméable se dissolva, et, dans les rues, où tout le monde se hâtait, la jeune fille adopta le pas rapide des passants qu’elle suivait.
M. Vital dénicha l’hôtel voulu. Son aspect était modeste, mais il sembla confortable à Aubrine. Son père lui notifia que l’on ne pourrait y séjourner longtemps, car, sous son apparence simple, il coûtait davantage que les moyens actuels ne le permettaient.
Puis ce fut la course au logis. Mme Vital s’avoua assez vite vaincue et Aubrine continua les recherches avec son père. Elle regardait non sans envie les beaux appartements qui avoisinaient les Champs-Elysées. L’élégance du quartier, la vision des femmes montant dans une automobile de grand luxe, leur parfum, la grisaient.
Son père la soustrayait vite à cet enchantement et la conduisait dans des quartiers plus médiocres et plus conformes à leur situation actuelle.
Aubrine essayait de ne pas trahir quelque dépit.
Enfin, dans le 5e arrondissement, le logement envisagé se présenta. Il était situé au 3e étage d’un immeuble assez vétuste. Sur le palier, il y avait trois portes étroites. Deux donnaient sur des logis de quatre pièces avec une cuisine en plus. La troisième porte s’ouvrait sur deux chambres sans compter la cuisine.
Mme Vital eut un gémissement quand elle visita ce coin où elle allait vivre, alors que son mari, ravi de la comédie qui se déroulait, arborait un visage plein de gaîté. Il pensait surtout à ses séances dans les bibliothèques et aux étalages des bouquinistes, sans compter ses découvertes dans le vieux Paris. Il alléguerait ses heures de bureau et cet alibi le réjouissait. Quant à Mme Vital, elle se donnait beaucoup de mal pour ne pas se décourager, et elle taxait son idée de folie. Quand elle avouait ce sentiment à son mari, c’était lui qui disait maintenant que cette épreuve était géniale. Il aimait Paris où il avait poursuivi ses études pour aboutir à l’École Centrale. Ce mouvement, cette agitation convenaient à son caractère. Il prétendait que l’on y vivait comme dans un rêve et que l’émulation y était merveilleuse.
Quand le mobilier fut installé, au bout d’une dizaine de jours, Aubrine dit à ses parents :
— Puisque je dois travailler, je ne veux pas perdre de temps… Je vois des quantités de jeunes filles qui vont à leur labeur quotidien, et, puisqu’il faut que je fasse partie de cette phalange, autant que je m’y installe tout de suite.