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prudence rocaleux

Devant le rire heureux du jeune homme, elle reprit :

— Vous vous mariez et je ne me doutais de rien… Pourtant, vous m’aviez promis de m’avertir, afin que je voie celle que vous avez choisie, avant de conclure un accord !… Ah ! M’sieu Jacques, c’est mal de vot’ part ! Pourvu que vous ne vous trompiez pas !… les jeunes gens sont si bêtes…

— Merci, bonne Prudence…

— Ce n’est pas de leur faute… ils naissent comme ça… Ils sont candides et, comme les chevaux, ils ont des œillères… Y n’ voient plus que celle qui les a attirés, et le reste ne compte pas ! Vous n’avez pas été trop vite, au moins, dans cette grande résolution ?

— Soyez tranquille… elle vous plaira… Si vous ne partiez pas aujourd’hui, vous la verriez demain, car elle viendra dîner en famille…

— Demain ? Je ne pars plus !

— Ne reculez pas votre départ…

— Elle dînera ici, et je n’y serais pas !

— Vous la verrez plus tard !

— Et je ne fabriquerais pas de premier dîner ? Jamais ! je veux que ce repas soit réussi… Ce serait un déshonneur pour moi de n’y pas mettre la main !… J’ai de la conscience…

— On aurait commandé chez le traiteur…

— Le traiteur ! pour que vous mangiez des quenelles sans œufs et du beurre sans crème…

— Halte-là ! à Lyon, tous les traiteurs sont honnêtes…

— Bon !… mais moi, j’ai de l’amour-propre pour mes patrons et surtout depuis que je suis sacrée artiste… J’ vas envoyer une dépêche à Julie… J’ savais bien que je l’enverrais ! un retard de deux ou trois jours, ce n’est rien !… Le temps est au beau et il y res-