Elle l’accusait presque de jouer avec les sentiments filiaux.
Elle ne put se retenir d’aller trouver Mme Dilaret dès qu’elle eut terminé ses préparatifs pour le dîner.
— Je ne dérange pas Madame ?
Au ton doux de cette question, sa maîtresse augura que sa domestique éprouvait quelque ennui. Ordinairement, son accent était plus triomphant. Elle lui répondit donc amicalement :
— Non, Prudence ; je vous vois un peu pâle.
— Y a de quoi ! J’ai bien besoin de Madame pour m’aider à supporter les laideurs de la vie.
— Elle n’est donc plus agréable ?
— Oh ! non, et si j’étais au ciel, ce serait un peu plus reluisant pour moi.
— Oh ! oh ! qu’est-ce qui se passe ?
— Les gens sont abominables ! Voilà, j’ suis allée chez ce Rembrecomme dont le père a été tué…
— Quoi ! Encore ?
— Il le fallait, parce que je lui apportais de bonnes choses…
— Mon Dieu ! Vous me faites trembler !
— Eh ben ! c’est tout juste s’il ne m’a pas mise à la porte !
— Que lui avez-vous donc raconté ?
— La vérité que je croyais !
— Je crains, Prudence, que votre langue n’ait été un peu plus vive que votre réflexion…
— J’avais bien réfléchi, Madame, et je suis aussi sûre que me voilà que c’est ce valet de chambre de malheur qui a fait le coup…
— Et vous l’avez dénoncé à son maître ? s’écria Mme Dilaret effrayée.
— Et pourquoi que je me serais gênée ? À ma place, il en aurait fait tout autant.