Page:Fiel - Trop belle, 1926.djvu/47

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agitations de son amour méconnu, Sylviane se désolait.

Quand elle n’avait plus vu reparaître Luc dans la salle de bal, une tristesse l’avait tout à coup lassée. Il semblait que toute la lumière fut éteinte autour d’elle et dans son âme.

En vain Louis Dormont et Francis Balor continuèrent-ils leurs frais d’éloquence, elle ne les entendait plus que pour les trouver insipides.

Elle pria ses parents d’écourter la soirée, ce dont le colonel se trouva enchanté, n’aimant que lire en fumant sa pipe.

Durant le trajet il confia à Sylviane :

— En fait de jeunes gens intéressants, je n’ai apprécié que ce M.  Luc Saint-Wiff que ta mère m’a présenté, on peut au moins approfondir un sujet avec lui, tu le connaissais déjà, toi ?

— Je l’ai rencontré chez sa tante, Madame Bullot, c’est-à-dire qu’il l’appelle ma tante parce qu’elle est une amie de sa mère.

— Oui, je sais, il me plaît beaucoup, si tu avais un mari comme lui, je ne serais pas du tout fâché de te voir mariée.

Sylviane ne répondit pas. Le rouge lui monta au visage, mais la nuit ne la trahit pas.

Elle était émue de penser que son père qui ne parlait que peu de son avenir, trouvât bien l’homme qu’elle avait repoussé dans un sursaut d’orgueil.

Elle maudit la pauvreté qui avait exagéré sa fierté et l’avait conduite à se montrer plus offensée qu’il n’était utile. Un remords lui venait de ne pouvoir donner à ce père qu’elle aimait tendrement, une satisfaction qu’elle avait laissée échapper.

Par sa faute, chacun devenait malheureux : elle d’abord, parce que le souvenir de Luc la poursuivait ; son père et sa mère qui comprenaient toute la valeur morale de ce charmant garçon, et Luc, sans doute.

De sorte que pendant que Saint-Wiff maugréait à sa fenêtre, Sylviane pleurait à la sienne.