Page:Fiel - Trop belle, 1926.djvu/46

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— C’est bien vrai ?

— Absolument.

— Pourquoi alors danse-t-elle avec ces deux pantins qui la pressent contre leur cœur ?

— Ah ! permets, la danse d’aujourd’hui tolère ces inconvenances. Sylviane n’y est pour rien. D’ailleurs, je constate avec étonnement que chaque couple trouve inconvenant le couple voisin. C’est évidemment un mystère.

Luc était trop absorbé pour sourire de cette boutade et il poursuivit de donner corps à son idée fixe :

— Pourquoi danse-t-elle ?

— Pourquoi danses-tu, toi ?

Luc baissa la tête.

Madame Bullot reprit en riant :

— Ah ! tu es bien un amoureux éconduit, tu…

— Ne riez pas, ma tante.

— Voyons, tu deviens d’un égoïsme féroce, les jeunes filles n’osent plus danser, les vieilles femmes n’osent plus rire.

— Pardonnez-moi, cette Sylviane m’a ensorcelé, et j’aurai voulu qu’elle fût ma femme.

— Tu t’y es pris un peu trop bizarrement.

— Ne me le rappelez pas, j’en suis honteux.

— Je n’aurais pas dû te laisser faire, mais tu sais si bien convaincre.

— Pouvez-vous dire cela ! Sylviane me résiste ! Vous avez entendu son refus. Comment la faire changer d’avis ! Comment s’opérera le miracle ?

— Tu trouveras un moyen, j’en suis sûre.

— Vous m’aiderez, vous ne m’abandonnerez pas, ma tante, n’est-ce pas ?

— C’est assez délicat. Il me semble que dans ces choses il vaut mieux laisser la Providence arranger les affaires, puis mon immixtion dans ce plan m’a si mal réussi, que je doute maintenant de mon savoir.

Le pauvre Luc regagna sa chambre, s’accouda à sa fenêtre, rêva, pesta et ne s’endormit qu’au matin en songeant que le meilleur moyen était d’enlever Sylviane en avion.

Alors que Luc Saint-Wiff se livrait à toutes les