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trop belle

Ce qui soulignait ses traits purs était une carnation merveilleuse. Sa peau satinée semblait défier toutes les intempéries.

Elle paraissait jeune. Ses mouvements souples, ses attaches fines, complétaient un ensemble que les plus difficiles ne pouvaient contester.

Sa beauté était indéniable, mais sa fortune était nulle et une amertume venait à la jeune fille en songeant que sa pauvreté écartait les prétendants.

Son père, colonel en retraite, vivait de sa pension. Ayant épousé une femme dont la dot était sans importance, cet appoint ne formait que de pauvres rentes ajoutées au budget.

Sylviane eût aimé travailler, les mœurs modernes l’y poussant. Malheureusement, ses parents remplis de préjugés, ne se résignaient pas à la voir chercher un emploi. Ils espéraient un gendre. Si le colonel l’attendait sans impatience, sa femme le désirait plus rapidement.

Le temps passait cependant, mais leur confiance ne désarmait pas.

Si Sylviane n’eût été que belle, sans ce port impérieux qui la caractérisait, il eût été possible qu’un de ses admirateurs s’en éprît. Une autre chose encore éloignait les prétendants quelconques : sa vive intelligence.

Quand elle voulait s’en donner la peine, elle brillait dans une conversation. Ainsi sa beauté attirait et son esprit en imposait. Les hommes, hors de sa vue réfléchissaient : Qu’elle est belle… et que je l’aimerais… mais son cerveau me fait peur… que serais-je… moi… près d’une telle raisonneuse…

D’autres se disaient : Quelle intelligence !… ce serait agréable de passer sa vie à côté d’une femme semblable… mais sa beauté me gênerait… je ne serais jamais que l’humble page d’une semblable reine de grâce…

Les soupirants, enthousiastes d’abord, se retiraient et Sylviane, prise entre les deux feux que ses dons projetaient, sentait croître en elle, un étonnement douloureux.

Il eût fallut un esprit égal au sien.