Page:Fiel - Trop belle, 1926.djvu/89

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Une seule l’intéressa. Elle provenait d’une de ses amies qui lui envoyait son fils : Roger de Blave.

Elle lui expliquait encore, ce que Madame Bullot savait, que ce jeune veuf ne pouvait se consoler de la mort de sa femme, survenue deux ans auparavant. Il allait passer quelques semaines à Vichy pour réparer des organes affaiblis par le chagrin et une nourriture absorbée sans appétit.

Il avait trente ans.

Madame Bullot aimait Roger de Blave et le trouvait fort bien, et elle se dit :

— Il aura de quoi se distraire avec Luc… les deux inséparables… Annette et puis Sylviane… sans compter les autres… Au moins celui-là ne tombera pas amoureux de notre belle amie… avec cette peine au cœur… si toutefois on peut préjuger d’un désespoir qui semble durable… Deux ans !… c’est coquet pour des regrets… Voyons… quand arrive ce pauvre malheureux ? Demain ! j’aurai à peine le temps de prévenir ma jeune bande…

Madame Bullot, comme la plupart des vieilles gens parlait toute seule et elle continua le monologue : Je n’ai aucune crainte qu’il ne s’éprenne de Sylviane… j’ai seulement peur que Luc ne se montre stupidement jaloux… Roger est fort bien… ce grand blond a conquis bien des cœurs… il est distingué autant que Luc… Ses yeux sont superbes… un peu orientaux à mon avis… mais ils ont du succès… L’ennui… dans tout ceci… c’est que la gaîté de toute cette jeunesse va être forcée de se contraindre… On ne peut rire autant qu’on le voudrait devant un chagrin aussi violemment affiché. Madame de Blave me recommande de ne pas perdre Roger de vue… J’essaierai de le faire… Si Sylviane vient tout à l’heure… je la préviendrai… ainsi qu’Annette… Il faudra le dire aussi à Luc… sans quoi il me soupçonnerait de trahison… Je suis sûre qu’il ne croit pas aux désespoirs éternels… lui !… Il va s’imaginer encore que Roger va lui enlever Sylviane… Si seulement ce