Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/124

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avoit surpris le pédagogue couché avec sa servante ; d’autres, faisant une version contraire, accusoient la femme d’infidélité et le mari de jalousie.

Déborah étoit depuis long-temps instruite de la brouillerie des deux époux ; mais comme elle en ignoroit le véritable motif, elle avoit jugé convenable de se taire. Peut-être aussi son silence provenoit-il de deux autres causes. On donnoit généralement tort au mari, et elle avoit eu à se plaindre de la femme, lorsque celle-ci étoit fille de cuisine chez M. Allworthy : or, l’altière gouvernante n’étoit pas d’humeur à pardonner aisément une offense.

Cependant mistress Wilkins, douée d’une vue perçante, et capable de lire de loin dans l’avenir, avoit jugé qu’il étoit très-vraisemblable que le capitaine seroit un jour son maître. D’un autre côté, le peu de bienveillance de M. Blifil pour l’enfant trouvé ne lui échappoit point. Elle s’imagina qu’elle le serviroit selon ses désirs, si elle parvenoit à faire quelque découverte propre à diminuer l’affection que M. Allworthy témoignoit à cet enfant. Le capitaine en éprouvoit un extrême mécontentement qu’il ne pouvoit cacher, même en présence de M. Allworthy. C’étoit en vain que sa femme, plus habile à jouer son rôle en public, lui recommandoit souvent de fermer les