Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/180

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on ne peut supposer qu’ils n’aient émis que des opinions fausses, ou absurdes. Quelle injustice n’aurions-nous pas commise à leur égard, en ne présentant que le mauvais côté de leurs caractères, et combien leurs raisonnements auroient paru misérables et monstrueux !

En un mot, ce n’est ni la religion, ni la vertu, mais le manque de toutes deux que nous attaquons ici. Si Thwackum et Square avoient moins négligé dans la composition de leurs systèmes opposés, le premier la vertu, le second la religion, s’ils ne s’étoient pas accordés à en exclure totalement la bonté naturelle du cœur, jamais ils n’auroient été livrés à la risée publique, dans cette équitable et véridique histoire, dont nous allons reprendre le fil.

L’incident qui mit fin à la dispute rapportée dans le chapitre précédent, n’étoit autre qu’une querelle survenue entre M. Blifil et Tom Jones. Le premier en étoit sorti avec le nez tout en sang ; car s’il avoit, quoique le plus jeune, l’avantage de la taille sur son camarade, il ne l’égaloit pas, à beaucoup près, dans le noble art de boxer.

Tom, loin d’abuser de sa supériorité, évitoit, autant qu’il le pouvoit, les occasions d’en venir aux mains avec lui. Malgré toutes ses espiègleries, c’étoit un garçon sans méchanceté ; il aimoit d’ailleurs Blifil ; et puis la crainte de M. Thwac-