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fant a puisé ses notions du juste et de l’injuste. Ôtez la loi naturelle, il n’y a plus ni juste, ni injuste dans le monde.

— Comment, répliqua le théologien, niez-vous la révélation ? parlé-je à un déiste, ou à un athée ?

— Hé buvez, Messieurs, buvez, s’écria Western, et au diable votre loi naturelle. Je ne sais ce que vous entendez par le juste et par l’injuste. Prendre l’oiseau de ma fille, me paroît une fort vilaine action ; mon voisin Allworthy fera ce qu’il lui plaira ; mais à mon avis, encourager des enfants à de pareils jeux, c’est les élever pour la potence. »

M. Allworthy dit qu’il désapprouvoit l’action de son neveu, sans pouvoir toutefois se résoudre à l’en punir, attendu qu’elle lui sembloit provenir d’un motif louable, plutôt que répréhensible. Il ajouta : que si l’enfant avoit voulu voler l’oiseau, personne ne seroit plus disposé que lui à le châtier avec rigueur ; mais que selon toutes les vraisemblances, il n’avoit pas eu ce dessein. Le bon gentilhomme ne pouvoit croire, en effet, que Blifil eût agi par un autre motif, que celui qu’il avoit allégué ; car la maligne intention que soupçonnoit Sophie, n’étoit pas entrée dans son esprit. Il finit par blâmer de nouveau l’action de son neveu, comme une étourderie que la jeunesse seule rendoit excusable.